Incidences de la seule invention de Lacan, l'objet " a " :
Un plus a l'inconscient structuré comme un langage

DIAZ ROMERO Ricardo(1)


Lors de ce Colloque de Convergencia je voudrais proposer à la discussion quelques questions qui font partie de ma pratique et de mes théorisations depuis déjà quelque temps à partir de l'hypothèse énoncée par le titre de mon travail que je voudrais introduire avec une citation de Freud :

…….. Les rêves les mieux interprétés gardent souvent un point obscur ; on remarque là un nœud de pensées que l'on ne peut défaire, mais qui n'apporterai rien de plus au contenu du rêve. C'est l' " ombilic " du rêve, le point où il se rattache à l'Inconnu. Les pensées du rêve que l'on rencontre pendant l'interprétation n'ont en général pas d'aboutissement, elles se ramifient en tous sens dans le réseau enchevêtré de nos pensées. Le désir du rêve surgit d'un point plus épais de ce tissu, comme le champignon de son mycélium.

Dans cet ombilic du rêve, dans ce point par ou le tissu réticulaire de notre monde intellectuel se trouve lié à l'inconnu et, à partir de la partie la plus dense duquel se hisse le désir du rêve, j'ai trouvé quelque chose qui m'est apparue la plus précise notion freudienne d'un plus au tissu réticulaire de l'inconscient, plus cause de désir, cause de l'incomplétude de l'univers des représentations.

Très rapidement, dès le début de sa théorie du signifiant et de l'inconscient en tant que structuré comme un langage, Lacan souligne ce point ; ainsi, dans L'instance de la lettre dans l'inconscient il s'agit d'un reste indéfectible de toute opération signifiante que le sujet a pour effet qui est formalisé d'abord dans le s de la signification d'abord et ensuite en tant qu'objet métonymique, objet derrière lequel marche le désir.

Par la suite, très lentement, ce plus de l'inconscient nous sera présenté :
a) en tant que ada?µa, ornement minimal, plus de l'altérité, dans le séminaire sur Le transfert… ;
b) puis, en tant que point par lequel il est lié a l'inconnu, c'est l'objet de L'angoisse -Séminaire X- qui vient dessiner l'Etwas de la formule de Freud (Angst----- vor -----Etwas) ;
c) divisant le sujet, se rendant étranger au symbolique de l'inconscient sous la forme perceptible de la voix, du regard et l'objet du sacrifice aux dieux obscurs des Quatre Concepts… ;
d) tel cet objet, référant de la coupure, dont l'effet est le sujet dans Les Problèmes Cruciaux… ;
e) en tant que le proprement libidinal, scindé du moi même et effectivement perçu dans le champ du perceptum - effectuant cet étrange mode de division subjective ni hétérogène ni homogène sinon " non-homogène " ;
f) nous le trouvons dans L'acte psychanalytique, dessiné dans l'écriture de la localisation de l'analyste dans sa chute du Sujet Supposé Savoir qui avait présèntifié l'inconscient dans la cure ;
g) Par la suite il est plus précisément indiqué en tant que plus de S2, plus sans la chute qui l'installe là en tant que quatrième élément, duquel il n'y a pas d'effet sujet dans le " discours sans paroles ", dans D'un Autre à l'autre et dans L'envers de la psychanalyse
h) dans Encore en tant qu'écriture de la substance jouisseuse du sujet et lecture de l'amour ;
i) il sera condition manipulable de la différence entre trois et tresse -de nouveau nœud impossible à dénouer, cale que constitue la partie la plus dense de ce tissu réticulaire d'où partir duquel se hisse alors le désir-, à partir de l'introduction du nœud borroméen et de l'écriture nodale ; et jusqu'à la fin de l'enseignement de son inventeur.


Ainsi, en insistant, lentement, la seule invention de Lacan, poursuit, illumine, trouve, appelle, angoisse, identifie son inventeur qui, fidèle à l'inconscient freudien et œuvrant " avec " son invention, ne cesse d'aller plus loin.

L'objet " a " - son unique invention- rapproche Lacan de Freud en relation avec ce point de la citation de la Traumdeutung du début de mon travail. Il le rapproche en tant qu'inventeur ; et en même temps, de ce fait même, il faut reconnaître qu'il le sépare puisque d'une invention, la moindre chose qu'on puisse dire, est qu'il s'agit de quelque chose qui n'y était pas, quelque chose qui sépare les eaux. Et à partir de cette séparation nous interroge, en tant qu'analystes, sur les conséquences de cette avancée lacanienne sur l'inconscient freudien et sur les différences que ces conséquences auraient déterminé dans notre pratique, au moins, dans l'énumération non exhaustive suivante:
1) dans l'installation d'une analyse ;
2) dans l'effectuation du Discours de l'analyste où nous trouvons l'objet a à la place d'agent ;
3) dans la psychopathologie freudienne -celle qui devient des destins de la représentation dans l'inconscient : refoulement, déni, forclusion- et particulièrement dans les réactions
qui ont pour référence un avatar de l'objet : par la rencontre , l'angoisse, la phobie, le fé-
tichisme ou la perte : le deuil, la mélancolie, la dépression.
4) dans les fondements des interventions qui ne peuvent être nommées strictu sensu ainsi, si nous appelons interprétation l'intervention qui se fonde sur une formation de l'inconscient.
5) dans les rapports entre l'art et la psychanalyse. En particulier dans ce rapport fondé sur les développements de ce recours freudien qu'il nomme sublimation que Lacan à l'évidence ne peut accompagner dès le moment où définit la sublimation en tant que passer l'objet à la dignité de la Chose ; jusqu'à dire qu'elle n'est pas de l'art forcement mais qu'il y a là peut être autre chose, quelque chose que reproduit le manque tournant autour de l'objet 'a'.
6) dans les fins d'analyse, renouvelant la portée freudienne du terminable et interminable, avec l'introduction de la différence entre objet 'a' et -f, comme il le dit dans la Proposition Du 9 Octobre et dans L'Acte Psychanalytique.
7) en rapport avec la conception freudienne suivante : Psyché est extension quand l'objet 'a' tels que la voix et le regard nous offrent la possibilité d'explorer avec nos analysants
les défaillances dans la constitution de l'extension.
8) dans l'abord de ce que nous enseignent les addictions, les troubles face à l'absence de ce que le péché capital nommée gourmandise ou l'étrange sexualité avec les objets 'a', la voix et le regard, non proprement fétichiste.

Pour illustrer cet énoncé : j'ai trouvé que bien que Lacan n'ait pas fait référence explicite à la phobie lors du Séminaire XI, dans les chapitres sur L'œil et le regard il nous offre des éléments fondamentaux pour l'abord d'une structure de certaines phobies comme celles où se rend présente une défaillance de ce point sur lequel se constitue à chaque fois, dans chaque pulsation, l'espace et le cadre où le regard situe le sujet ; des éléments qui, à l'évidence, restent en dehors du tissu réticulaire de l'inconscient et par conséquent, de l'abord psychanalytique.

Ceci est tout à fait d'actualité dès lors que l'on constate un retour au mode où se présentait le plus fréquemment la phobie dans le temps où un Wesphal et un Legrand la décrivaient -selon le récit de Serge Vallon dans L'espace et la phobie- , mode qui se nomme, comme autrefois, " attaque de panique " ou " agoraphobie " et dans lequel on montre évidemment que le noyau de cette modalité structurale se réfère à l'espace et au circuit pulsionnel scopique ; il devient par conséquent une fonction privilégiée d'inclure dans la cure l'objet 'a' comme regard, en tant que plus de l'inconscient structuré comme un langage, ouvrant ainsi des interrogations à propos de la portée qu'il y aurait d'accepter dans le transfert la place de cet objet et le risque, en ne l'acceptant pas, d'empêcher l'effectuation de la fonction de l'inconscient.

Je voudrais m'arrêter ici en transmettant cette question : " Pourrons-nous psychanalystes, être à la hauteur de l'avancée lacanienne impliquée dans cette invention qui nous met au centre de l'actualité de la culture et de ses avatars ? "

  1. AME à l'Escuela de Psicoanálisis Sigmund Freud - Rosario. tél. 00-54-341-4250805-E-mail :
    diazromero@infovia .com.ar
  2. S. Freud - " L'interprétation des rêves " - Chapitre 7 - A) L'oubli des rêves
  3. J.Lacan - " L'envers de la psychanalyse " - Seuil - p.13

 

trad. N. Markman